Petit rappel historique

Située sur l’éperon rocheux qui domine le village de Jarjayes, toute la vallée de l’Avance et de la Durance, cette petite chapelle, dont il ne reste aujourd’hui que le clocher et les murs, a une histoire tragique. Le village de Jarjayes, au début de notre ère se situait sur le plateau de Saint Pierre, au bord du ruisseau du même nom là où se trouvaient les terres les plus fertiles entre Jarjayes et le site actuel de Notre Dame du Laus. Ce hameau de Saint pierre disposait d’une église.
Il faut savoir que la terre de Jarjayes était, selon les historiens, sans doute habitée dès l’époque gauloise, c’est-à-dire avant le premier siècle de notre ère. Pour ce qui est de l’époque romaine, on a découvert des monnaies à l’effigie de Néron, des poteries, des lampes en terre. L’habitat sur la terre de Jarjayes était réparti en plusieurs points mais le principal groupe d’habitations était situé sur le plateau de Saint Pierre au bord d’un ruisseau où se trouvaient les terres les plus riches.
Lorsque la féodalité s’établit, vers le XI ème siècle et pour se mettre à l’abri des invasions venues du sud (Sarrasins), et du nord, (Francs, hongrois…), les habitants viennent occuper un emplacement plus sûr que l’ancien village de Saint Pierre en s’installant sur le roc escarpé dénommé par la suite Tréchatel. La nouvelle construction qualifiée de castrum fut entourée de murailles, une forteresse située dans la partie la plus haute défendait l’entrée du village. A côté se trouvait la chapelle seigneuriale sous le vocable de Saint Thomas et Saint Restitut. Un texte de 1190 relatant l’état ecclésial signale l’existence de cette seconde église dédiée à Saint Thomas. Cette mention confirme la présence d’un autre lieu de culte en plus de Saint Pierre qui restait cependant l’église paroissiale du village.
La seconde moitié du XVI ème siècle sera marquée en France par les guerres de religions. Le Dauphiné va connaître une période très confuse chargée de désordres conflits et massacres.
Depuis le XI ème siècle, Jarjayes était devenu une seigneurie puis divisée en plusieurs coseigneuries partagées entre quelques familles dont l’une des plus importantes avait pour nom : Flotte. C’est précisément le coseigneur du lieu Jean Flotte calviniste convaincu qui va être à l’origine d’un grave conflit qui aboutira à la destruction du village médiéval.
A la suite d’un différent entre protestant et catholiques, en 1569, l’épouse du seigneur Jean Flotte fût prise à partie par des catholiques et blessée à coups de pierres. En 1572 ce dernier fit établir le culte réformé dans le village. Sans doute irrité par les jarjayais qui donnèrent volontiers asile aux catholiques et craignant la forteresse de par sa position, Lesdiguières entreprit du 7 au 13 Mai 1588 le siège du village. 140 coups de canon furent tirés d’un champ situé en face du village qui prit ensuite le nom de « la Tirange ».
Le castrum et l’église furent gravement endommagés et le village se rendit. La chapelle seigneuriale suivit le sort du castrum comme l’atteste un document de 1613 (enquête ordonnée par le conseiller Dupérier). Fin 17ème siècle une nouvelle épreuve vint frapper le village lors des guerres de la ligue d’Augsbourg, de 1688 à 1697 qui regroupait la plupart des pays européens ligués contre Louis XIV. En 1692 le Duc de Savoie attaque et incendie Jarjayes comme de nombreux villages de la région. Le village ne se releva pas de ce deuxième saccage.
Cependant malgré les dégâts subis la chapelle continua à recevoir les offices religieux jusqu’en 1868 date à laquelle le lieu fut définitivement interdit. Les vestiges dominaient toujours le village reconstruit plus bas, sur le site actuel, au quartier du Collet. Aujourd’hui consolidée, la chapelle apparait aux voyageurs venant de la vallée de la Durance ou de l’Avance. Elle demeure le rappel de la longue et riche histoire de Jarjayes et reste, avec le château, les seules traces visibles de son passé.

Un village qui oublie son histoire, qui perd son identité est un village qui sombre dans l’oubli et qui meurt.
Dans son livre « Histoire de Jarjayes » édité en 1895, l’Abbé Félix Allemand, curé et historien de Jarjayes, précisait:
« cette ancienne église tombe maintenant en ruines, on pourrait encore en conserver le chœur, ainsi que le clocher, et on ferait une chapelle qui continuerait son souvenir ».
L’A T C (Association Trois Châteaux) a été créée presque 100 ans après la parution du livre de L’Abbé F Allemand (1895). Depuis 1993. l’ATC oeuvre pour que ne disparaisse pas un des derniers vestiges de la riche «  Histoire » de Jarjayes. Sans ménager sa peine, avec beaucoup d’abnégation, soutenue par un bon nombre d’adhérents, par des organismes publics, la mairie de Jarjayes, la communauté de communes, le Conseil Départemental, maintenant Conseil Général, diverses personnalités du département, diverses entreprises conseillées par les bâtiments de France et bien d’autres encore, elle a réalisé modestement le souhait de l’Abbé Félix Allemand .

M. Coeur-Novembre 2024

Voir notre article sur la chapelle et sur les travaux réalisés par l’association ICI