Les recensements de population exhaustifs tels que nous les connaissons aujourd’hui sont réalisés dans les Hautes-Alpes depuis 1817. Ces recensements sont consultables aux Archives Départementales de Gap. Mais seuls ceux dressés entre 1817 et 1936 ont été publiés sur le site des Archives Départementales et sont consultables en ligne.
Dans l’Ancien Régime, les dénombrements de population étaient comptabilisés en feux, et non en habitants réels.
Le terme « feu » ( du latin focus) signifiait, au Moyen-Age, le foyer, tout d’ abord au sens strict (l’endroit où le feu brûle) et au sens figuré: le logement familial puis la famille qui vit autour de ce foyer.
Très vite, il a été utilisé comme unité de base pour l’assiette, le calcul et la perception de l’impôt demandé à une unité contribuable qu’on nomme aujourd’hui un foyer fiscal
Les relevés antérieurs au XIXe siècle exprimés en » feux » sont à prendre avec beaucoup de prudence.
En effet, pour estimer le nombre d’habitants d’après celui donné en feux on appliquait un coefficient multiplicateur assez imprécis (souvent 5, parfois 4 ou 4,5). Ainsi pour une population de 34 feux supposés de 5 personnes en moyenne, on obtient 170 habitants. La notion de « feux » disparaîtra en 1790.
Dans son histoire de Jarjayes , L’Abbé Félix ALLEMAND précise que « la population de Jarjayes était, en 1337, d’après un terrier, de 150 familles, soit, en attribuant 5 personnes à chacune, de 750 habitants. En 1398, d’après un autre terrier, elle était de 158 familles, soit, de 790 à 800 âmes. A partir de cette époque, il y a décroissance. En 1431, dans une requête au parlement, la communauté prétend que par suite de la concentration progressive de la terre entre les mains des seigneurs, et des nombreux déguerpissements qui en résultent, la population avait diminué des deux cinquièmes. En 1707, à la visite de Mgr de Malissoles, (évêque de Gap) elle était de 100 chefs de famille environ, soit de 500 personnes; le même nombre se retrouve encore en 1789 ».
Les chiffres avancés par L’Abbé Félix ALLEMAND sont bien entendu hypothétiques puisqu’ils reposent sur un postulat de 5 personnes par foyer.
Mais nul doute que la population des XIIIe et XIVe siècles était relativement importante et sans doute située au-delà de 600 habitants.
Pendant tout le Moyen Age, les conditions de vie étaient trés rudes et la misère et les épidémies ont eu de graves conséquences sur la population villageoise.
Voici quelques extraits relevés dans les archives relatant des évènements qui ont affecté la démographie du village:
– En 1347 à Gap une violente épidémie de peste détruit les 2/3 de la population. Elle sévit à nouveau en 1438 et 1630, chacune de ces épidémies aurait anéanti dans certaines régions du sud du Dauphiné plus de la moitié des habitants (E. VERNET, Bulletin d’Etude de la Société des Hautes-Alpes 1933).
La révision des feux de Jarjayes de 1429 relate la présence de « 2 familles nobles, 3 ecclésiastiques et 41 chefs de famille et 23 misérables avec la disparition depuis la dernière révision de feux, de 49 habitants dont la plupart ont émigré soit en Dauphiné, soit ailleurs, indiquant comme causes générales de leur pauvreté que les seigneurs et le clergé possèdent la plus grande part du terroir, la charge des redevances qu’il faut leur payer et qu’ils énumèrent, les ravages des torrents et des tempêtes, l’infertilité de leurs vignes, qui dure depuis cinq ans, l’obligation où ils sont, pour la plupart, d’aller gagner de l’argent ailleurs, leurs terres ne leur donnant de quoi vivre que pour la moitié de l’année » (Georges de Manteyer – La Terres de Jarjayes en Gapençais d’après les archives de l’Isère retranscrites en 1944).
–En 1440, une épidémie enleva deux cent personnes soit près de la moitié de la population de Jarjayes. On retrouve lors du dénombrement suivant, 11 ans plus tard, les mêmes causes produisant les mêmes effets sur la population de la commune, et une description édifiante de la dureté des conditions de vie des habitants à cette époque:
« Révision des feux du mandement de Jarjayes révélant la présence des trois coseigneurs, du curé, de trente-sept chefs de famille et vingt-un misérables, avec la disparition, depuis la dernière révision, de vingt-quatre chefs de famille dont vingt deux morts sans héritier mâle et deux émigrés à Tallard et en Champsaur, indiquant comme causes générales de la misère et de la diminution de la population, une épidémie qui, il y a sept ans, enleva deux cents personnes, la maigreur, la sécheresse du terroir, les torrents qui par les pluies emportent le terrain, les tempêtes qui se produisent deux ou trois fois l’an, le fait que les quatre chapelles de l’église, le prieuré, les seigneurs tiennent les deux-tiers et le meilleur du terrain, les grandes redevances qu’il faut payer aux seigneurs, au prieur, au précepteur de Saint-Jean de Gap, au recteur de Saint-Maurice de Boscaudon, au prieur de Saint-Martin » (G. de Manteyer – La Terres de Jarjayes en Gapençais d’après les archives de l’Isère transcrites en 1944).
-enfin, les nombreuses guerres et la révocation de « l’Edit de Nantes » en 1585 qui met fin à la cohabitation des cultes catholique et protestant, auraient provoqué l’exode d’un bon nombre d’habitants, notamment à Jarjayes qui sera prise par les protestants menés par Lesdiguières en 1588 et incendiée par les Troupes du Duc de Savoie en 1692.
Les recensements de population après la révolution :
Après la Révolution, la loi du 22 juillet 1791, appelée « loi sur la police municipale », prévoit la conduite d’un recensement nominatif, méthode qui restera celle principalement employée ensuite pendant plus de deux siècles, mais qui, au début, ne parait pas avoir été effectué en dehors de Paris. Suivirent ensuite deux recensements édictés par la Convention nationale, les recensements de l’an II (1793-1794) et de l’an VIII (1800-1801) réalisés sur l’ensemble du territoire français et recensant tous les habitants et les électeurs. Ce recensement général de la population devait être organisé tous les cinq ans. Mais de nombreuses communes ne répondirent pas ou se contentèrent d’évaluations approximatives, souvent au-dessous de la vérité. Par Ailleurs, beaucoup de recensements furent supprimés ou retardés en temps de guerre.
A partir de 1831 et jusqu’à nos jours les recensements de la population de Jarjayes ont été régulièrement réalisés, à l’exception des périodes de guerres.
Un mode rénové de recensement a été instauré en 2004, avec un recensement exhaustif tous les cinq ans, à raison d’un cinquième des communes chaque année.
Les recensements de population dressés dans les Hautes-Alpes entre 1817 et 1936 sont consultables sur le site des Archives Départementales . Les listes des recensements postérieurs à 1936 (après guerre) n’ont, pour des raisons d’anonymat et de respect de la vie privée (des personnes susceptibles d’être encore vivantes), pas encore été numérisées mais sont consultables en salle de lecture des Archives départementales (décret n° 2018-1117 du 10 décembre 2018 relatif aux catégories de documents administratifs pouvant être rendus publics sans faire l’objet d’un processus d’anonymisation).
Le recensement de 1817 est essentiellement un recensement statistique qui détaille la composition de chaque famille. Il a été dressé après l’Empire, suite à la réorganisation de la garde nationale et son objectif était militaire, et visait à lister tous les hommes de vingt à soixante ans.
Seuls les nom, prénom et composition de chaque famille étaient renseignés.
Pour Jarjayes, la liste dénombre 108 foyers pour un total de 495 habitants :
Nombre |
Célibataires mâles |
Célibataires femelles |
||||
Nombre d’hommes mariés ou veufs |
De femmes mariées |
Au dessus de 30 ans |
Au dessous de 30 ans |
Au dessus de 30 ans |
Au dessous de 30 ans |
Total |
101 |
110 |
123 |
8 |
135 |
18 |
495 |
À partir de 1836, en application d’une circulaire du ministère de l’Intérieur, le principe d’un recensement quinquennal est adopté. Il est effectué toutes les années terminées par 1 ou par 6 jusqu’à la seconde guerre mondiale. C’est un dénombrement exhaustif de tous les individus de la commune.
A noter que le recensement de 1871 a été reporté en en 1872 ; ceux de 1916 et 1941 n’ont pas eu lieu à cause de la guerre.
Voici un relevé de la population de Jarjayes effectué à partir des recensements publiés par les Archives Départementales et du site Internet de l’INSEE.
On constate dans ce relevé que le pic de population a été atteint en 1831 avec 571 habitants et le plus bas niveau jamais relevé en 1968, passé sous la barre des 200 habitants avec 196 habitants.
Essentiellement issue du monde agricole jusqu’aux années d’après guerre, la population de jarjayes a progressivement décru avec la disparition des petites exploitations agricoles et le regroupement des terres entre les mains de quelques propriétaires.
On a pu observer, dans les années 60, le départ des jeunes vers les grandes villes entraînant le vieillissement de la population. La commune a alors subi la fermeture de ses derniers commerces que le retour des familles en saison estivale n’a pas suffi à maintenir.
Le développement des moyens de transport sur le dernier quart du 20ème siècle a permis aux jeunes de choisir de rester au village, leur donnant la possibilité d’aller chercher du travail à l’extérieur de la commune mais à distance raisonnable, essentiellement dans le bassin gapençais.
A partir des années 90, le département a accueilli de nouveaux habitants, travailleurs ou retraités, attirés par la qualité de vie de la région des alpes du Sud, faisant flamber les prix de l’immobilier et provoquant un déplacement progressif de la population de Gap vers les communes limitrophes ou aisément accessibles.
Le dernier recensement réalisé en 2019 a été publié en décembre 2021. Il fait ressortir un nombre de 460 habitants à Jarjayes qui est le plus haut constaté depuis 1886, avec une augmentation de 1,9 % de sa population depuis 2013 (0,2 % pour le département).
La population de Jarjayes, à l’image de celle du département des Hautes Alpes est en effet en constante augmentation depuis 2014 (406).
Sa population n’avait cessé d’augmenter depuis les années 1970 pour atteindre le chiffre de 440 habitants en 2009. Puis, touchée par la crise économique de 2008 elle a progressivement chuté pour reprendre son essor en 2015 avec + de 10 % d’augmentation en 3 ans.
Cette croissance s’observe dans tout le département mais le dynamisme démographique de ce dernier est essentiellement porté par la commune de Gap et son aire d’influence dont fait partie la commune de Jarjayes.
Si le département gagne des habitants de tous âges, il est en déficit de jeunes de 15 à 24 ans. En effet, en l’absence de pôle universitaire important dans les Hautes-Alpes, les étudiants partent poursuivre leurs études ailleurs, principalement à Aix-Marseille et à Grenoble. Par ailleurs, de nombreux retraités viennent s’installer dans les Hautes-Alpes. Ils représentent à eux seuls la moitié du gain démographique dû aux migrations (source INSEE).
A la différence du reste du département, Jarjayes peut s’enorgueillir de voir sa population rajeunir avec l’arrivée de jeunes adultes actifs, avec ou sans enfants, travaillant sur l’aire urbaine de Gap, parmi lesquels toutes les catégories socio-professionnelles sont représentées.
Le prochain recensement sur la commune de Jarjayes aura lieu en 2023.
JS
lien vers le site de l’INSEE: https://www.insee.fr/fr/accueil
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