Dans un premier volet paru en 2020 et consacré aux historiens de Jarjayes, nous avions évoqué l’oeuvre du seul auteur qui peut être qualifié de véritable historien de Jarjayes, et qui est, sans aucun doute l’Abbé Félix Allemand, auteur de l’unique ouvrage de référence documenté et complet sur le village, édité en 1895 (voir notre article).
Mais, parmi les chercheurs qui ont effectué des recherches approfondies sur Jarjayes, il est nécessaire d’évoquer également cet illustre historien et archiviste du département des Hautes-Alpes que fut Georges de Manteyer, auteur, notamment, de l’important recueil «La Terre de Jarjayes en Gapençais – 933-1588 ».
Georges de Manteyer, de son vrai nom, Georges-Marie-Barthélemy Pinet de Manteyer, est né à Gap le 16 mai 1867.
« Issu d’une vieille famille dauphinoise, il s’est éteint, le 24 janvier 1948, dans son château de Manteyer, au pied de la montagne de Céuse, achevant sa vie, comme il l’avait souhaité, dans le pays haut-alpin qui l’avait vu naître.
D’un père secrétaire général à la préfecture des Hautes-Alpes et d’une mère issue d’une famille marseillaise et bas-alpine. Après des études de droit à Grenoble, il prépare et entre avec brio à l’école des Chartes où il écrit une thèse sur « La Provence du Ier au XIIème siècle » puis fut envoyé à l’Ecole Française de Rome et voyagea en Europe. A son retour à Paris en 1914, la guerre éclate ; Saisi d’horreur devant cette abominable mélée et les jeunes hommes qui mourraient en foule sur le front, il participa à une tentative pour ramener la paix en influençant les princes de Bourbon, le gouvernement français et celui de l’Autriche-Hongrie. En vain ! A la sortie de cette guerre, il revint sur Manteyer et prit le poste d’archiviste départemental en 1921 » (site de la commune de Manteyerhttps://www.manteyer-mairie.fr/manteyer-une-epopee-incroyable.html).
Mis à la retraite le 1er juillet 1934, M. de Manteyer se retire dans son château de Manteyer. Il y vivra désormais Presque en solitaire, consacrant entièrement son temps à ses travaux.
« jusqu’à sa mort, il va, dans le calme des Hautes-Alpes, travailler, utiliser ses notes et gérer son dépôt avec une compétence admirable.Collectionneur averti de livres et de monnaies, il donna de son vivant 25,000 volumes à la Bibliothèque de Grenoble. Il enrichit également de ses dons le Musée de Gap et les archives des Hautes-Alpes .
Si l’on en excepte deux ouvrages d’histoire moderne : Les faux Louis XVII (1925) et le corpus très complet publié en 1943 sur le passage de l’empereur Napoléon Ier dans les Alpes au retour de l’île d’Elbe, sa production se divise en trois parties bien nettes : des travaux d’histoire antique et médiévale sur les Hautes-Alpes, la Provence et le Dauphine, dérivés de son grand travail sur la Provence et le complétant sur divers points, des travaux de linguistique, de toponymie et de préhistoire liés à un certain nombre d’ouvrages sur l’Orient, l’Egypte et l’histoire des religions, enfin des notes sur des contemporains et des introductions à divers inventaires d’archives du dépôt (F, fonds Amat, H et fonds la Mazelière), rédigés par son collaborateur et ami L. Arthaud. La quasi-totalité de cette production a été publiée dans le Bulletin de la Société d’études des Hautes-Alpes. Le recueil des Chartes ď Avignon, Les origines du nom de Dauphin, Le livre journal de Fazy de Rame, Les origines chrétiennes de la IIe Narbonnaise, et bien sur, l’énorme recueil de textes sur Jarjayes » ( André Villard. Georges de Manteyer (1867-1947). In: Bibliothèque de l’école des chartes. 1948, tome 107).
Collection Louis Arthaud- (Bulletin de la Société d'Etudes des Hautes-Alpes 1958)
Georges de MANTEYER prononçant un discours pour l’inauguration de la Route Napoléon le 3 juillet 1932
Parmi ses nombreux ouvrages, celui qui nous intéresse est celui intitulé « La Terre de Jarjayes en Gapençais », un important volume de 819 pages, rédigé et publié en 1946 par l’historien dans le Bulletin de la Société d’Etudes des Hautes-Alpes.
Ce recueil est issu de son immense travail de transcription de documents écrits et terriers rédigés entre 933 et 1588, en latin et en vieux français, concernant les seigneuries de la terre de Jarjayes relevés dans plusieurs fonds d’archives départementales (Hautes-Alpes, Isère, Bouches-du Rhône…) et diocésaines, d’ouvrages historiques (Abbé Félix ALLEMAND, Joseph ROMAN, Abbé Paul GUILLAUME …) et notamment dans celles de la famille TOURNU de VENTAVON, dernière seigneurie de Jarjayes, déposées pour leur grande majorité aux archives départementales de Grenoble.
La lecture de ce recueil de retranscriptions de vieux documents n’est certes pas d’accès facile aux non initiés, mais il représente une précieuse source d’information sur les grandes familles de la région, les usages locaux et les relations entre les seigneurs et le peuple roturier dans le haut Dauphiné au moyen âge. Nombre d’historiens locaux et de généalogistes y ont trouvé une matière instructive et fructueuse.
Louis Arthaud, éditeur et grand ami de l’historien, précisait dans son hommage rendu en 1958, que lorsque son ami lui a demandé de rédiger et publier le répertoire numérique des Archives de la Seigneurie de Jarjayes, G. de Manteyer justifiait ainsi son intérêt pour cette dernière : « Jarjayes, c’est la famille de Ventavon, c’est le Chevalier de Jarjayes, c’est Marie-Antoinette ».
La commune de Jarjayes a en effet la chance de pouvoir compter sur une très grande partie de ses archives déposées à Grenoble à la suite des grands procès qui ont opposé la communauté de Jarjayes aux seigneurs REYNIER de JARJAYES, puis TOURNU de VENTAVON au sujet des droits seigneuriaux, ainsi que celui intenté par la famille TOURNU de VENTAVON à celle de REYNIER de JARJAYES à la suite de l’acquisition de la terre de Jarjayes en 1787. Ces procès ont permis de sauvegarder de précieux documents d’ archives qui auraient sans doute été détruits par la révolution comme se fut le cas dans de nombreuses autres communes de France.
Dans son recueil de « Notes et souvenirs de Georges de Manteyer » (page 10, Ed. Ribaud Frères-1958) , Louis ARTHAUD nous apprend que G. de MANTEYER avait l’intention de « léguer à sa ville natale son importante bibliothèque. Et voici ce qu’il écrivait : « Mon projet le plus simple et le plus naturel me semblait-il, était de léguer cette masse de documents à la bibliothèque de la Ville de Gap à laquelle s’était intéressé jadis M. Clément Amat, maire de cette ville. A ma grande surprise, un de ses successeurs et qui sur ce point de son activité ne lui ressemblait pas, me mit en demeure en 1907 d’enlever des locaux occupés par la Bibliothèque municipale, à la Mairie, le fonds appartenant à la Société d’Etudes des Hautes-Alpes. Il me dit, fort vivement : « La ville de Gap, Monsieur, n’a que trop de livres ». Je l’assurai que ce point de vue auquel je n’aurais pas songé resterait fixé dans ma mémoire et, par suite, obligé par l’âge, à envisager ma fin, j’ai donné à la Ville de Grenoble. tout ce qui lui plairait de prendre dans ma bibliothèque, qu’elle ne pouvait ne pas posséder. Le Maire de Grenoble, à ce que je crois, n’y a fait aucune objection » .
Ce fâcheux incident devait modifier le projet qu’il avait formé et qu’il aurait désiré réaliser. La Ville de Grenoble en a bénéficié» et il est fort dommage pour les archives départementales des Haute-Alpes, pour l’histoire du département et pour celle de Jarjayes, que la ville de Gap ait laissé échapper cette occasion.
Effectivement, dans le répertoire de la série VII E des Archives de la Seigneurie de Jarjayes paru en 1948, Louis Arthaud, archiviste des Hautes-Alpes, précise dans une annotation en 2ème de couverture (voir photo ci dessous):
« Monsieur Georges de Manteyer se proposait de publier le second et dernier volume du recueil de documents consacré à la seigneurie de Jarjayes avec le concours financier du conseil Général quand la mort est venue interrompre son activité le 24 janvier 1948 au moment où il avait achevé la rédaction de son manuscrit. Son but était de montrer le trésor documentaire que peut receler une bien modeste seigneurie haut-alpine.
Ce second volume resté manuscrit ainsi que les nombreuses notes qui devaient servir, sous forme de préface, à la rédaction de l’introduction et à l’intelligence de ce fonds, ont été léguées à la Bibliothèque municipale de Grenoble (Isère) ; le lecteur qui désirerait les consulter devra donc s’adresser à ce service.
Le premier volume : « La terre de Jarjayes en gapençais, documents (933-1588) » a paru dans le Bulletin de la Société d’Études des Hautes-Alpes, en 1946 » .
Fort de ces conseils, je me suis rendu en 2018 dans les locaux de la Bibliothèque municipale de Grenoble mais, malgré l’aide aimable des employés, et après avoir consulté de nombreux documents, je n’ai pas réussi à mettre la main sur le manuscrit en question. Il est vrai que le fonds « de Manteyer » est considérable et qu’il faudrait plusieurs jours et un accès libre aux documents pour pouvoir tous les consulter.
Je fais le vœu qu’une personne mieux inspirée que moi, et surtout jouissant de davantage de temps devant elle, puisse découvrir ce manuscrit. Nous serions ravis de l’aider à éditer et faire publier le Tome II de ce recueil afin de satisfaire un des derniers souhaits de Monsieur De Manteyer .
Nous pensons que le concours du service des archives départementales des Hautes-Alpes serait sans aucun doute d’un grand secours pour y parvenir.
Dans l’espoir que cet appel trouve un écho favorable parmi les passionnés de l’homme, de son oeuvre et de l’histoire de notre département !
J. Samuel
Photo d’entête: G de MANTEYER, Portrait-Bulletin de la Société d’Etudes des Hautes-Alpes 1982
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