La première fois que l’on voit apparaître le nom de Jarjayes accolé à celui d’une personne, ce fut dans l’acte de donation du 31 octobre 928 par Raimbert de Jarjayes et Girberge, sa femme d’une terre à Jarjayes qu’ils firent à l’église Sainte-Foy de Conques (Aveyron) : 1ère apparition du nom de Jarjayes sous sa forme ancienne de « Gargaia » (Cartulaire de l’abbaye de Conques).

La référence à la famille de JARJAYES apparaît en 1044 avec Guillaume (Villelmi de Gargaia), signataire de l’acte de partage de Gap et de ses environs entre l’évêque et le comte de Provence. On trouve aussi un Lantelmi de Gargara dans une charte de Saint-André de Gap de 1074, Lantelmus et Giraldus de Gargaia (Lantelme et Giraud de Jarjayes) dans des textes anciens des 11e et 12e siècles.

Les seigneurs de Jarjayes étaient des châtelains comtaux, personnages très importants. Outre Jarjayes, ils possédaient Montalquier et Avançon. Mais le fief dont ils avaient pris le nom se divisa, dès 1178, en plusieurs coseigneuries (F. Allemand).

On retrouve le nom de Jarjaya dans l’acte de la donation faite, en 1190, par Béatrix D’AIX (Béatrix domina de Jarjaya), veuve et héritière de Lantelme de JARJAYES, seigneur dudit lieu et dernier représentant de sa famille, de la terre de Malcor au prieuré de St-Maurice.

Après le décès de Lantelme, son premier mari, Béatrix d’Aix de Jarjayes, épouse en 1178 Arnaud FLOTTE, quatrième du nom, seigneur de La Roche (des Arnauds) et lui porte en dot une partie de la Terre de Jarjayes. La famile FLOTTE était une des familles les plus puissantes du Haut Dauphiné.

Parmi les 9 enfants d’Arnaud et Béatrix, deux d’entre eux conserveront le nom de Jarjayes (J. Roman) :

–Lantelme FLOTTE, l’ainé, coseigneur de La Roche et de Jarjayes. Il porta jusqu’à la mort de son père le nom de Lantelme de JARJAYES et épousa Douce de Valserres, veuve de Lantelme de St-Marcel, seigneur d’Avançon. Il mourut en 1250 « sans postérité » (selon F. ALLEMAND) (ce qui est contredit par un acte de 1248 portant « don par Douce (Dulcia), femme de Lantelme de Jarjayes au Monastère de Bertaud avec approbation de ses enfants Lantelme, Raimbaud de St Marcel, Raimbaude Flotte (femme de Raoul Bertrand) et son gendre Guillaume Eudes, veuf de Lantelma sa fille » (La Terre de Jarjayes p20).

–Jean FLOTTE de JARJAYES, coseigneur de Jarjayes. Il quitta le nom de FLOTTE pour prendre celui de la famille de Jarjayes qui appartenait au premier mari de sa mère et qu’avait déjà porté son frère Lantelme. Claude de JARJAYES, son arrière petit-fils, coseigneur de Jarjayes, mourut sans postérité et Nicolas de SAINT-GERMAIN fut son héritier en 1360.

Les descendants de Beatrix et Arnaud FLOTTE formeront les bases de la plupart des coseigneuries qui ont régné sur Jarjayes jusqu’au début du 18ème siècle.

Descendance des Flotte de Jarjayes

Le nom de JARJAYES ne sera plus porté directement pendant 400 ans. Il faudra attendre 1761, après que Jean Antoine REYNIER, notaire à Upaix, secrétaire en chef au parlement de Grenoble, achète de M. de PIOLENC de THOURY, président à mortier au parlement du Dauphiné, la seigneurie de Jarjayes.

Celui-ci accole le nom de JARJAYES à celui de REYNIER.

Le 22 août 1787, François-Augustin vend la seigneurie de Jarjayes à Jean-Antoine TOURNU, seigneur de Ventavon , et part vivre à Paris.
Dans l’acte de vente reçu par Maître Viguier, notaire à Ribiers, «  JARJAYES se réserve expressément pour lui et ses successeurs le droit de porter le nom de cette terre jusqu’à sa mort, (…) ce nom qu’il devait tant honorer » (Felix ALLEMAND).

A la suite de la Révolution, sous l’Empire, un procès opposa les deux familles REYNIER de JARJAYES et TOURNU de VENTAVON, la première reprochant à la seconde le défaut de paiement de la totalité du prix de vente, ce que les héritiers de M. TOURNU de VENTAVON justifiaient par l’absence de transmission des droits seigneuriaux achetés avec la terre de Jarjayes en 1787, mais disparus après leur abolition en 1789. Ces derniers réclamant, par ailleurs, une indemnité pour la perte de ces droits (étant précisé que ces droits seigneuriaux faisaient, au moment de la vente, l’objet d’un procès pendant devant le Parlement de Grenoble entre M. de REYNIER et la Communauté de Jarjayes).

Photos premières pages des mémoires de 1810 et 1811

Le « Chevalier de Jarjayes » mourut en 1822 sans laisser de postérité masculine.

La branche aînée étant ainsi éteinte, le nom de REYNIER de JARJAYES se trouva représenté par Benoît-Augustin, frère du Chevalier, 10ème enfant et cadet de la famille, né le 24 janvier 1758, capitaine dans le corps du génie, mort en 1792. Il avait épousé Marie-Louise BONNOT, fille de Jean BONNOT, subdélégué à l’intendance de Briançon, et de Marie-Magdeleine BRUNET de L’ARGENTIÈRE. De cette union, naquirent un fils, Benoît-Augustin, et une fille, Suzanne-Laure.

Leur fils, Augustin Benoit REYNIER DE JARJAYES  né en 1797 à Briançon, maire de St Georges de Commiers de 1848 à 1864, petite commune située au sud de Grenoble en bordure du Drac, mourut sans postérité en 1864 dans cette ville.

Il est, à ma connaissance, le seul représentant de la famille de Jarjayes, dont le nom est inscrit sur un monument funéraire encore visible.

(ci-contre photo de sa sépulture au cimetière de Saint-Pierre de Commiers – Isère – Photo JS)

Leur fille, Suzanne Laure REYNIER DE JARJAYES (1790 Briançon-1830 Grenoble), épousa le 18 mai 1825 à St Georges de Commiers, Jean Mathieu TOURNU DE VENTAVON (1800-1864), avocat général à Grenoble, qui n’était rien moins que le petit-fils de Jean-Antoine Tournu de Ventavon, dernier seigneur de la Terre de Jarjayes, terre que ce dernier avait acquise du Chevalier de Jarjayes, grand-père de Suzanne Laure, son épouse.

Ce mariage qui réconcilia les deux familles, aurait pu permettre d’assurer la postérité du nom de Jarjayes à travers les descendants de Jean Mathieu TOURNU DE VENTAVON dont le grand-père avait été privé de l’usage par l’acte d’acquisition du 22 août 1787 (voir notre article sur la famille Tournu de Ventavon de Jarjayes).

Suzanne Laure et Jean-Mathieu eurent deux filles parmi lesquelles Marie-Louise TOURNU DE VENTAVON (Grenoble 1826 – 1887) qui épousa le 27 avril 1853, à Saint-Georges-de-Commiers, Victor Marc-Joseph BERLIOZ (cousin germain d’Hector Berlioz) (Grenoble 1816- Grenoble 1885), maire de St Georges de Commiers de 1873 à 1878.

En l’absence de descendant mâle , le nom de Jarjayes risquait de disparaître.

« Or, Benoit-Augustin (l’oncle de sa femme Laure), mort célibataire en 1863, avait demandé, par testament, à M. BERLIOZ, d’ajouter à son nom celui de REYNIER de JARJAYES, et cette adjonction fut autorisée par décret impérial du 21 août 1865. Mais M. BERLIOZ, décédé en 1885, ayant perdu son fils unique, Henri, le nom de REYNIER de JARJAYES fut porté par sa fille Louise Jeanne Marie BERLIOZ de REYNIER de JARJAYES (1850 Muranette – 1914) jusqu’à son mariage avec Adolphe (Marie Hilarion Lucien Adolphe) BONNET-MASIMBERT vers 1880 et se trouve maintenant éteint. » (F. ALLEMAND).

C’est ainsi que Jean Mathieu TOURNU de VENTAVON et Laure REYNIER de JARJAYES réunirent à nouveau les deux familles descendantes des derniers seigneurs de Jarjayes et permirent la postérité du nom de JARJAYES jusqu’au mariage de leur fille avec M. Adolphe de MASIMBERT, dont les descendants sont encore propriétaires du château de SAINT GEORGES DE COMMIERS en Isère.

J. Samuel

Bibliographie :
– Armorial du Dauphiné, G. de Rivoire de La Bâtie 1867
– Répertoire archéologique du département des Hautes-Alpes, Joseph Roman 1888 – gallica.bnf.fr 
– Histoire de Jarjayes, Félix Allemand Ed. E. Jouglard 1895
– Dictionnaire biographique des H-A – Félix Allemand, Gap 1911.
– La terre de Jarjayes en gapençais Documents (933-1588)- Georges de Manteyer- impr. Ribaut, Gap 1946